Général Georges Buis - Les fanfares perdues (1975)

Georges Buis est officier de cavalerie lorsqu'il rencontre le colonel de Gaulle pour la première fois en 1937.

Il s'engage en 1941 dans les Forces Françaises libres à Jérusalem, puis rejoint ce qui devient en 1943 la 2eme DB sous les ordres de Leclerc. C'est lui qui avec le colonel Paul Repiton-Préneuf pénètre le premier dans le "nid d'aigle" d'Hitler à Berchtesgaden en 1945.


J'avais lu un seul de ses livres : Vers l'armée de métier. Je n'en aimais pas l'écriture vieillotte, mais, officier de chars, j'avais été frappé, et en gros convaincu, par les thèses qui y étaient défendues. Je n'avais jamais aperçu le colonel de Gaulle.

1937 : critique de fin de manoeuvres, sur un mamelon d'un camp de Champagne. Officiers du parti Bleu d'un côté, officiers du parti Rouge de l'autre. Au milieu, les grands patrons. Pas Gamelin mais Duffieux, qu'auréolait un prestige comparable. Le commandant du parti Bleu explique professoralement son affaire.

Le colonel de Gaulle en 1939

Soudain on voit sortir des rangs un immense bonhomme qu'allongeait encore un manteau de cavalerie sous lequel apparaissaient bottes et éperons. Une tête étrange. Un personnage du Greco. C'était le colonel de Gaulle, commandant le 507e régiment de chars. Il s'avance face à l'orateur et l'apostrophe : "Vous expliquez que vous avez arrêté votre mouvement pendant deux heures pour que l'artillerie puisse rejoindre, mais pendant ce temps-là vous commettez une faute qu'un sous-lieutenant n'aurait pas commise : vous perdez le contact !" Un grand froid. Si grand que le commandant du parti Rouge, impressionné par l'algarade, dit de lui-même, un peu comme un potache, qu'il n'avait pas, lui, marqué de temps d'arrêt. Alors, sans bouger, tournant seulement la tête vers lui, de Gaulle a laissé tomber : "Vous, vous auriez mieux fait de ne pas appeler l'attention sur vous. Vous n'avez rien fait !" Le général Duffieux s'est alors dressé sur ses ergots : "Je ne vous permets pas de parler ainsi. Rentrez dans le rang !" Le connétable a salué, a fait avec noblesse un demi-tour réglementaire, est reparti parmi ses camarades, mais non point s'y perdre.

Cité par Simonne Servais in Regards sur de Gaulle, Plon, 1990, pp.92-93