Vieil homme, recru d'épreuves, détaché des entreprises,
sentant venir le froid éternel, mais jamais las
de guetter dans l'ombre la lueur de l'espérance !

Mémoires de guerre, III - Le Salut - p.345

 

Première dictature de Cincinnatus (458 avant JC)
Les plus opiniâtres des Latins furent les Éques et les Volsques ; c'étaient, pour ainsi dire, des ennemis de tous les jours. Mais celui qui contribua le plus à les dompter fut Lucius Quinctius, ce dictateur tiré de la charrue, et dont la valeur extraordinaire sauva le consul Marcus Minucius, assiégé et déjà presque pris dans son camp. On était alors dans la saison des semailles ; et le licteur trouva ce patricien courbé sur sa charrue et occupé du labourage. C'est de là que, s'élançant aux combats, Quinctius, pour y conserver quelque image de ses travaux rustiques, traita les vaincus comme un troupeau, en les faisant passer sous le joug. L'expédition ainsi terminée, on vit retourner à ses boeufs ce laboureur décoré d'un triomphe. Grands dieux ! quelle rapidité ! une guerre, en quinze jours, commencée et finie, comme si le dictateur eût voulu se hâter de retourner à ses travaux interrompus [...].


Florus - Abrégé d'histoire romaine, I, 11

Statue de Cincinnatus - Cincinnati, Ohio (USA)

Deuxième dictature de Cincinnatus (439 avant JC, soit vingt ans plus tard)
En apprenant ces choses, les principaux sénateurs éclatent en reproches contre les consuls de l'année précédente qui avaient souffert ces distributions de grains, ces réunions du peuple dans la maison d'un particulier, et contre les nouveaux consuls qui avaient pu attendre que l'intendant des vivres déférât au sénat une affaire si importante, dont la découverte et même la répression appartenait à l'autorité consulaire. Alors, T. Quinctius répondit : "Qu'on accusait à tort les consuls, que, liés par les lois d'appel, établies pour miner leur autorité, ils avaient manqué de pouvoir pour réprimer un attentat si énorme, et non pas de courage; que les circonstances demandaient non seulement un homme de coeur, mais un homme entièrement indépendant et qui ne fût pas enchaîné par les lois ; qu'en conséquence, il se proposait de nommer dictateur L. Quinctius, dont le courage égalerait le pouvoir."

Chacun l'approuva. Mais Quinctius refusa d'abord ; il leur demandait "ce qu'ils lui voulaient en l'exposant, avec son grand âge, dans une lutte aussi terrible." Enfin, comme tout le monde lui disait que malgré sa vieillesse il avait plus de sagesse et même de vigueur que tous les autres ; comme on l'accablait d'éloges, d'ailleurs bien mérités, et que le consul ne voulait point revenir de sa détermination, Cincinnatus, priant les dieux immortels de ne pas permettre que sa vieillesse, dans cette crise, attirât sur la république ni affront ni dommage, se laisse nommer dictateur par le consul, et ensuite lui-même choisit Gaius Servilius Ahala pour maître de cavalerie.

Tite-Live - Histoire romaine, IV, 13


Conférence de presse du général de Gaulle du 19 mai 1958 (extraits)

Q. - Vous avez dit que vous seriez prêt à assumer les pouvoirs de la République. Qu'entendez-vous par là ?

R. - Les pouvoirs de la République, quand on les assume, ce ne peut être que ceux qu'elle-même aura délégués. Voilà pour les termes, qui me paraissent parfaitement clairs. Et puis alors maintenant, il y a l'homme qui les a prononcés. La République ! Il fut un temps où elle était reniée, trahie, par les partis eux-mêmes. Et moi, j'ai redressé ses armes, ses lois, son nom. J'ai fait la guerre pour obtenir la victoire de la France et je me suis arrangé de telle sorte que ce soit aussi la victoire de la République. Je l'ai fait avec tous ceux, sans aucune exception, qui ont voulu se joindre à moi. A leur tête, j'ai rétabli la République chez elle [...] Quand tout cela a été fait, j'ai passé la parole au peuple, comme je l'avais promis. Il a élu ses représentants. Je leur ai remis sans aucune réserve, sans aucune condition, les pouvoirs dont je portais la charge.

Et puis, quand j'ai vu que les partis avaient reparu, comme les émigrés d'autrefois qui n'avaient rien oublié ni rien appris, et que, par conséquent, il m'était devenu impossible de gouverner comme il faut, eh bien ! je me suis retiré, sans aucunement chercher à leur forcer la main. Par la suite, ils ont fait une Constitution mauvaise, malgré moi et contre moi. Je n'ai, pas un instant, cherché à la violer. Pour tâcher de mettre un terme à la confusion et de créer un État juste et fort, j'ai institué le Rassemblement du Peuple Français, en y appelant tout le monde, sans souci des origines, des idées, des sentiments, ni même des étiquettes des uns et des autres. Il s'est trouvé que le régime a réussi à absorber, peu à peu, les élus du Rassemblement, de telle sorte que je n'avais plus de moyen d'action à l'intérieur de la légalité. Alors, je suis rentré chez moi.

Voilà comment j'ai servi et, paraît-il, menacé la République. Aussi quand j'entends - voilà dix-huit ans que cela dure ! - les sauveurs professionnels de la République - lesquels, d'ailleurs, auraient été bien en peine de la rétablir tout seuls -, les sauveurs professionnels qui m'imputent de vouloir attenter aux libertés publiques, détruire les droits syndicaux, démolir l'institution républicaine, je laisse tomber et je passe outre. Ce qui ne m'empêche pas, avec beaucoup d'autres d'ailleurs, de demander à ces sauveurs ce qu'ils ont fait, eux, de la France libérée et de la République restaurée ? [...]

Q. - Certains craignent que, si vous reveniez au pouvoir, vous attentiez aux libertés publiques.

R. - Est-ce que j'ai jamais attenté aux libertés publiques fondamentales ? Je les ai rétablies. Et y ai-je une seconde attenté jamais ? Pourquoi voulez-vous qu'à 67 ans, je commence une carrière de dictateur ?  J'ai cru utile au pays de dire ce que j'ai dit, maintenant je vais rentrer dans mon village et je m'y tiendrai à la disposition du pays.



Et pour compléter sur la toile