Guillaume Apollinaire n'est pas seulement l'auteur du « Pont Mirabeau » ou de Zone, le chantre de la modernité que tous les lycéens ont à un moment ou un autre rencontré dans une anthologie littéraire.

C'est aussi un auteur de littérature érotique, habitué à explorer les rayonnages de l'Enfer de la Bibliothèque nationale, dont il publia un catalogue en 1913.

Sa participation la plus célèbre à la lutte contre la censure morale fut évidemment la publicité qu'il donna à D.A.F. de Sade, en éditant en 1909 dans sa Bibliothèque des curieux une anthologie de certains des textes du marquis - à vrai dire pas les plus sulfureux. Sa préface est délibérément factuelle : biographie, portrait, présentation de certaines œuvres. On y trouve très peu de jugements personnels, ce qui rend d'autant plus intéressant ce paragraphe-ci :

« Le marquis de Sade, cet esprit le plus libre qui ait encore existé, avait sur la femme des idées particulières et la voulait aussi libre que l'homme. Ces idées, que l'on dégagera quelque jour, ont donné naissance à un double roman : Justine et Juliette. Ce n'est pas au hasard que le marquis a choisi des héroïnes et non pas des héros. Justine, c'est l'ancienne femme, asservie, misérable et moins qu'humaine ; Juliette au contraire représente la femme nouvelle qu'il entrevoyait, un être dont on n'a pas encore idée, qui se dégage de l'humanité, qui aura des ailes et qui renouvellera l'univers. »

Cette définition ne pouvait que séduire les surréalistes : c'est à eux qu'il reviendrait de la prolonger, en prenant à bras le corps la réhabilitation du « divin marquis » et la promulgation de la liberté sous toutes ses formes - et érotique en particulier..


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