Analyses de photogrammes


1. Le mariage de Marie de Mézières et de Philippe de Montpensier

 

Après avoir été promise à Mayenne, frère cadet du duc de Guise, Marie doit finalement se soumettre à la volonté de ses parents en épousant le prince de Montpensier. C’est donc un mariage arrangé contre sa volonté : elle est amoureuse d’Henri de Guise. Ce mariage impose son renoncement à sa passion amoureuse.

La scène se situe dans la chapelle du château de Mézières. On voit au premier plan les deux époux agenouillés sur des prie-Dieu, joliment parés. Ils regardent dans la même direction, sûrement vers l’homme d’Eglise qui est en train de sceller leur union. Marie est habillée en mauve, couleur attachée à la noblesse. Le prince est en bleu marine, paré d’un collier, d’une croix. Au second plan se trouve la foule témoin du mariage. Dans l’alignement de Marie se situent ses parents, les mains croisées. Derrière le prince, on reconnaît son père, qui a arrangé ce mariage.

Enfin, de l’autre côté de Philippe, se place Chabannes, ami et serviteur fidèle. Sa présence est importante : il est là lors de tous les événements importants de la vie des époux, notamment de Marie dont il va tomber amoureux. Il regarde d’ailleurs dans la direction des époux et non vers le prêtre comme les autres personnages. C’est le lien dans le couple, la personne qui est le plus proche des deux époux. Ces quatre personnages des assistants sont les seuls dont on distingue clairement le visage. Les autres sont des figurants.

A l’arrière-plan, les pieds des statues indiquent que l’on se trouve dans une chapelle. L’endroit est sobre, ce qui nous invite à nous focaliser sur les personnages et l’action. Cette scène est importante : Marie devient la princesse de Montpensier et se doit d’être fidèle à son mari en respectant la vertu.

 


2. Philippe de Montpensier à la guerre

 

Après son mariage, le prince de Montpensier est appelé à se battre sur les champs de bataille. Nous sommes en pleine guerre de religion au XVIe siècle. Bertrand Tavernier insiste beaucoup sur cet aspect de la nouvelle en la « réhistoricisant ». Il mélange ici plusieurs époques par sa manière de filmer : la scène fait en effet penser aux films sur la première guerre mondiale, avec une atmosphère lugubre, froide, violente, qui rappelle les massacres de cette époque.

C’est un plan d’ensemble, qui illustre le caractère à la fois épique et réaliste de l’action. On voit au premier plan le prince sur son cheval blanc cabré, en train de se battre, l’épée à la main, ensanglantée. Sa position sociale le place sur un cheval, ce qui lui donne un avantage sur ses adversaires. On discerne au second plan le cœur de la bataille, avec des hommes qui s’affrontent, de la fumée, du feu. Le ciel est gris, l’image plutôt sombre. La violence des combats est clairement mise en scène, sans la pudeur du texte de Mme de La Fayette. Tavernier donne à voir aux spectateurs ce que vivent ses personnages, leur vie dans leur globalité, sans « filtre » esthétique.

 


3. Marie au centre du conflit amoureux

 

Ce photogramme se situe à la cour. Il illustre les conflits que provoque la passion des hommes pour Marie. Les amitiés sont alors rompues, et Marie de nouveau sous l’emprise de la passion amoureuse pour de Guise. Le prince de Montpensier cherche à se battre en duel avec de Guise, pour défendre son honneur et son amour. C’est alors que s'interpose le duc d’Anjou, fils de la reine Catherine de Médicis, prétendant au trône de Pologne : à la cour, il est interdit de commettre de tels actes. Il est socialement supérieur aux deux autres hommes, et se permet donc de leur donner une leçon et de les menacer, d'autant qu'il est lui-même épris de Marie.

C’est un plan moyen. On se concentre sur les personnages, vus en pied, plus que sur le lieu dont on n'aperçoit que quelques murs de la cour du Louvre. C’est l’enjeu de l’action qui est important. De Guise, Anjou et Montpensier sont au premier plan. Un peu reculée, Marie observe la scène. A gauche, de Guise et Anjou se tiennent tête : ils se défient du regard. De Guise ne peut agir comme il le souhaite, il doit se soumettre à l’autorité d’Anjou, fils de la reine, malgré le fait qu’il ait le même âge. Montpensier de son côté semble abattu, il regarde à terre, sa garde est baissée : il est déjà hors-jeu, et ne peut pas défendre son honneur.

Marie se trouve au milieu de tous ces hommes. Elle est observatrice mais aussi responsable de ce qui se passe. Elle a laissé son mari de côté et regarde vers de Guise, ardemment, attendant la suite des événements. Les couleurs sont vives, chacun est bien habillé,  Ce photogramme rend compte des tensions entre les personnages : les amitiés ont éclaté, et les intentions sont connues. La passion de Guise et Marie est visible. De plus, la place centrale symbolique de Marie indique qu'elle est au centre des conflits.

 


4. Chabannes tente de raisonner Marie

 

Chabannes, ami du prince de Montpensier a reçu la mission d’instruire Marie. Il lui a enseigné une vision humaniste du monde. Il est l’adulte du film, le conseiller, le sage. Mais il éprouve lui aussi une inclination pour Marie.

Ce plan rapproché insiste sur la proximité des personnages. Ils sont face à face, et Chabannes donne une leçon de morale à Marie lorsqu’elle lui annonce que de Guise a repris feu pour elle. Il tente de la raisonner afin qu’elle domine sa passion. Le fond est flou, on ne voit bien que les deux personnages. Les couleurs sont froides, et la ligne de fuite est dans le regard de Chabannes pour Marie. Elle soutient son regard, et pour une fois ne semble pas vouloir l’écouter dans le fond, tout en étant consciente de la sagesse de cet homme. Lui, est sévère et semble réprimander une fillette, mais il y a une part de douceur dans ses yeux. Il voudrait lui faire comprendre ce qu’il ressent, et la protéger : il ne veut pas qu’elle s’égare.

 


5. Le départ de Marie

 

Après la nuit de l’adultère, Montpensier renvoie Marie à Mont-sur-Brac ; mais après la mort de Chabannes, dont il découvre la lettre écrite pour Marie, il se précipite pour tenter de la reconquérir. Il commet alors l'erreur d'apprendre à Marie que de Guise est à Blois et va se marier avec une autre.

Le plan est américain, on voit bien les expressions des personnages. Les époux Montpensier ne forment plus un couple, ils sont étrangers l’un à l’autre. Marie passe devant le Prince, sans lui adresser un regard. Elle est couverte et s’apprête à partir. Le Prince la suit du regard, désireux de la retenir, non pas physiquement mais moralement. Il cherche une once de sympathie. Il est désarçonné par les événements. La lumière vient sur son visage, la vue de Marie l’illumine, mais le désespère aussi, elle lui est lointaine.

C’est ce jeu de regard qui importe dans cette image. En arrière-plan, on devine le décor de la pièce, avec un tableau qui pourrait être une représentation biblique : aux yeux de Dieu, ils sont encore mariés, mais cela n’a plus d’importance pour Marie.

 


6. L'émancipation de Marie

 

Marie vient de quitter Blois et de Guise : elle s'est séparée de tous ses hommes. Elle prend définitivement son indépendance.

C’est un plan moyen, qui met l’accent sur le personnage, mais intégré dans un ensemble. Marie est à cheval, chevauchant à califourchon, comme un homme. Elle porte une robe verte et un chapeau très élégants et dignes de sa position. Elle affirme donc sa féminité, tout en se comportant comme un homme : c’est son émancipation qui est ici mise en scène.

La posture du cheval est noble, elle aussi. Il est blanc, sa tête est droite, il est bien tenu par Marie. C’est elle qui tient les rênes de sa vie désormais. Les couleurs sont vives, comme le tempérament de Marie. Elle est passée d'une attitude de soumission dans un mariage forcé, à celle d'une femme forte et indépendante, qui fait son chemin seule à présent, qui sait où elle va. Cette image est aussi presque épique, et moderne par la manière dont elle est filmée.

 


Analyses réalisées par Elisabeth Courbion, TL2 - Novembre 2018.