Hernani 1830
Article de La Gazette de France


Samedi 27 février

[...] Qu'est-ce qu'Hernani ? Une fable grossière, digne des siècles les plus barbares, un tissu de crimes froidement déroulés, sans combinaison, sans art, sans moralité, et tout cela revêtu de ce style sans amour-propre qui ne fait pas la petite bouche, comme dit M. Victor Hugo.

Il y aurait quelque intérêt dans ce tissu d'incidents absurdes et invraisemblables, comme il y en a dans un conte des Mille et une Nuits, s'il n'était ralenti par des digressions, des tirades démesurées et des détails puérils. Le précepte ad eventum festina est un de ceux dont M. Hugo se soucie le moins. On ne peut méconnaître à travers tout cela des lueurs de génie, des pensées fortes et profondes ; mais, grands dieux ! de quelles formes sont-elles revêtues ! Je demanderai ensuite quel est le but de l'œuvre de M Hugo. A quoi bon ce sang, ces poignards, ce poison, ces fureurs, et toutes ces atrocités, s'il n'en ressort aucune étude du cœur humain, aucune moralité, rien qui puisse perfectionner l'homme, rien même qui agrandisse le domaine de l'art ?

Quant à la séance d'hier au soir, c'est une représentation que l'auteur s'est donné la satisfaction d'offrir à ses amis. Les bravos furieux, les trépignements frénétiques, les exclamations folles ne lui ont pas été épargnés. Les spectateurs étaient au niveau des acteurs, qui ont joué comme des épileptiques. Je ne puis donc dire si la pièce a eu du succès. J'attendrai, pour cela, la première représentation : on dit que ce sera la cinquième.

 

Mardi 2 mars

Analyse d’Hernani par un éclectique.

Le grand nom d’Hernani va monter jusqu’aux cieux !
              C’est beau, c’est long, c’est neuf, c’est vieux,
C’est historique, épique, emphatique, lyrique, etc.
L’auteur n’a pas voulu que ce fût dramatique !
Plein de délauts choisis et qui valent bien mieux,
Que les froides beautés qui charmaient nos ayeux,
Son style plaît aux gens, quoiqu’il soit ennuyeux :
Trouvez donc ce mérite aux vieilles tragédies !
              Des armoires, des armoiries,
Des sentimens ou faux ou grossiers à l’excès,
Des discours toujours plats ou guindés par accès :
C'est par quoi l’on prétend changer le goût français.
Hugo, par qui Racine a perdu son procès,
Est l’auteur de la pièce, et bien plus,... du succès !


On trouvera la totalité de l'article du 27 février et le poème du 2 mars sur Rétro News.

La Gazette de France, 27 février 1830.
La Gazette de France, 2 mars 1830