Instructions officielles

 

L'objet d'étude choisi est« Lire, écrire, publier »

Le BO n° 16 du 19 avril 2018 précise ainsi l'angle d'attaque :

Œuvre :

- Victor Hugo - Hernani (1830)

 

Albert Besnard - La première d'Hernani
Huile sur toile, 1903 (détail)
Maison de Victor Hugo - Paris


Le programme de l'enseignement de littérature en classe terminale de la série littéraire (arrêté du 12 juillet 2011 publié au Bulletin officiel de l'éducation nationale spécial n° 8 du 13 octobre 2011) précise que le travail sur le domaine « Lire-écrire-publier » doit amener les élèves à « une compréhension plus complète du fait littéraire, en les rendant sensibles, à partir d'une œuvre, et pour contribuer à son interprétation, à son inscription dans un ensemble de relations, qui intègrent les conditions de sa production comme celles de sa réception et de sa diffusion». L'inscription au programme limitatif d'œuvres d'Hernani de Victor Hugo permet d'étudier la pièce de théâtre et la fameuse « bataille » qui l'accompagne depuis sa création à la Comédie-Française au début de l'année 1830.

En effet, Hernani est à la fois une œuvre, publiée chez Mame et Delaunay-Vallée le 9 mars 1830, et un événement littéraire, depuis sa création quelques jours plus tôt. La date mythique de sa première représentation est aujourd'hui un repère dans l'histoire du théâtre et du romantisme, qui résonne presque comme une victoire militaire : « C'était le 25 février 1830, le jour d'Hernani, une date qu'aucun romantique n'a oubliée et dont les classiques se souviennent peut-être, car la lutte fut acharnée de part et d'autre », écrira Théophile Gautier dans le Moniteur universel le 25 juin 1867 à l'occasion d'une reprise. Entre le brouhaha et les vivats, la première est un triomphe : Hugo est parvenu à s'imposer sur la scène du théâtre, étape décisive en 1830 pour qui veut compter dans le monde littéraire. Le scandale, empêchant les représentations, ne s'installera que progressivement dans les semaines qui suivent, probablement au fur et à mesure que la « claque » romantique laisse les classiques occuper le terrain de la bataille.

Pourtant, la pièce est loin d'être esthétiquement aussi révolutionnaire que ce qu'en disent les romantiques a posteriori : les règles et la hiérarchie des genres sont remises en cause dès le XVIIIe siècle, le goût classique est contesté depuis la Révolution, et le drame bourgeois a ouvert une voie dans laquelle Hugo s'inscrit, avec d'autres. La critique littéraire condamne néanmoins avec véhémence la présence dans la pièce d'éléments matériels, corporels ou triviaux qui heurtent les spectateurs, mais aussi les irrégularités rythmiques ou l'emphase de certains passages. Avec ces choix dramaturgiques et poétiques, Hugo invente aussi un nouveau public et ouvre le théâtre à une autre société, qu'il juge plus représentative de son temps, et fait de la scène un espace de débat esthétique, mais aussi très politique.

Or, l'auteur, après la censure de Marion Delorme en 1829, a le souci de préparer la réception de sa nouvelle pièce. Malgré l'autorisation d'Hernani, des fuites dans la presse sont organisées pour créer le scandale, des parodies circulent avant même la première. Pour faire face, Hugo mobilise la jeunesse romantique, prépare son « armée » et engage une « bataille » : « celle des idées, celle du progrès. C'est une lutte en commun. Nous allons combattre cette vieille littérature crénelée, verrouillée. » 

Dès lors, la création d'Hernani devient un événement littéraire dont le public est partie prenante. Les spectateurs sont eux-mêmes en costume et jouent un rôle dans la représentation. La bataille prend cette forme parce qu'elle est intimement liée au texte de la pièce lui-même. La pièce comme la bataille ont une dimension héroïque forte, elles mettent en scène l'opposition entre les générations et célèbrent la jeunesse, elles conjuguent toutes deux l'épique et le trivial. Quelques mois avant la Révolution de Juillet et la fin de la Restauration, Hernani sonne comme un appel à la libéralisation de l'Art et revendique haut et fort la vigueur de la Littérature et du romantisme. Et voici la bataille convertie en légende romantique.

Au format « poche », les éditions proposent dans les annexes des documents divers concernant la réception de la pièce et la « bataille ». Il appartient éventuellement au professeur de les compléter par les textes et les documents utiles à son projet (articles de presse ou encore récits de témoins : Théophile Gautier, Adèle Hugo, Alexandre Dumas,  notamment).