Médaillons romantiques, d'André Pavie, 1900
La bataille d'Hernani, telle est bien la désignation qu'il convient de laisser à cette soirée du 25 février 1830, soirée mémorable dans les annales du romantisme. Sous la plume de ceux qui jouèrent, en ce temps-là, leur rôle dans la lutte de l'art nouveau contre l'art ancien, les termes empruntés au langage militaire reviennent à tout instant. Il n'y a pas là seulement amour de la métaphore, recherche du mot pittoresque, habitudes de style particulières à l'école dont ils ont été et demeurent les adeptes. Ces mots vienneni naturellement sous leur plume, parce qu'il n'en est point d'autres capables de mieux rendre la fougue, l'ardeur vraiment belliqueuse qui les animait, eux et toute la jeunesse intellectuelle el artiste de 1830.
Quiconque vivait alors, si peu que ce fût, de la vie de l'esprit, se rangeait de lui-même dans l'un des deux camps, celui de l'insurrection, ou celui de la résistance. Et, de part et d'autre, on prenait, comme d'instinct, des attitudes de combattants. Tous les terrains accessibles à l'art semblaient autant de citadelles défendues par les partisans du vieux goût, battues en brèche par les attaques répétées de la jeune école. L'apparition d'un livre, d'un tableau, d'une pièce de théâtre était, presque toujours, le signal d'un nouvel assaut. Et si, du côté de la résistance, les troupes — peut-être parce qu'elles étaient moins jeunes — montraient plus de calme et de sang-froid, on n'en luttait pas moins de part et d'autre avec un entrain vraiment martial qui autorise le ton guerrier des récits et des souvenirs.
Théophile Gautier assistait à la bataille d'Hernani. Il a peint, en ce style dont chaque mot est une tache de couleur, l'aspect de la salle, l'entrée, vers deux heures de l'après-midi, de l'armée romantique, qui dîne sur le terrain, en chantant des ballades d'Hugo, des scies d'atelier. Il a tracé de Delphine Gay, applaudissant tout ce qui fait frémir les classiques, ce charmant portrait : « Robe blanche, écharpe bleue, longues spirales de cheveux d'or, bras replié et bout du doigt appuyé sur la joue, dans l'attitude de l'attention admirative. » Il a montré les deux partis, se battant « autour d'un vers, d'un hémistiche, comme d'une redoute. » Et, racontant tout cela près de quarante ans après l'événement, il ajoute : « Nous ne rabattons rien de l'enthousiasme de notre jeunesse, et toutes les fois que retentit le son magique du cor, nous dressons l'oreille, comme un vieux cheval de bataille prêt à recommencer les anciens combats. »
Combien ce temps est loin du nôtre ! Et ne dirait-on pas que des siècles nous en séparent, alors qu'il y a seulement, entre nous et ceux qui vivaient alors, la durée d'une existence humaine. Une telle exubérance dans l'admiration littéraire, une telle persistance dans le souvenir d'un pur triomphe d'art paraîtraient aux sages et pratiques générations d'aujourd'hui démence ou puérilité.
Le romantisme n'en est plus, le 20 février 1830, à la période des essais. Il compte : on compte avec lui. Mais, pour transformer son succès grandissant en triomphe, il lui reste encore une conquête à faire, celle du théâtre. L'échec d'Amy Robsart, le drame de Paul Foucher, a été un désastre. Le More de Venise, d'Alfred de Vigny, l'Henri III d'Alexandre Dumas ont eu peu de succès. Emile Deschamps et Vigny ont achevé, en collaboration, un Roméo romantique qui dort dans leur porte-feuille, tandis que l'on a joué, à l'Odéon, le Roméo classique de M. Soulié. « Le théâtre français est dans la plus horrible détresse, écrit Paul Foucher, en juin 1828 (1), ce qui ne l'engage pas à donner un Roméo romantique. Nous venons d'en avoir un classique à l'Odéon, où l'on trouve un cinquième acte. Mais les quatre premiers ! » Et pourtant, le public est prêt depuis longtemps à saluer l'avènement au théâtre du genre nouveau : il est « devenu tellement romantique, qu'il ne tient pas compte du dénouement, et qu'il ne se porte pas plus à la tragédie de M. Soulié qu'aux tragédies ordinaires ». Le moment est venu d'imprimer une direction décisive à ce courant déjà dessiné depuis deux ans. Amy Robsart n'était qu'une adaptation, le More de Venise, une imitation, presque une traduction. Alexandre Dumas manquait d'autorité. Que le chef de l'école se jette lui-même dans la mêlée, qu'il apporte, rehaussée du prestige de son nom, une œuvre originale, application resplendissante des théories nouvelles, les dernières résistances seront vaincues. Voilà, du moins, ce que l'on pense dans le camp romantique.
On s'attend bien, sans doute, à ce qu'il y ait bataille, et l'on s'organise militairement. Chacun a son poste de combat. L'armée romantique, c'est l'armée des jeunes, étudiants d'aujourd'hui ou d'hier, échappés des amphithéâtres de droit et de médecine, peintres et sculpteurs accourus pour prêter main-forte à leurs frères d'armes du bataillon des leltres. Tout cela se démène, s'agite, manifeste tumultueusement son enthousiasme. Les longs cheveux, les moustaches et les barbes font contraste avec les visages bourgeoisement rasés. Les amples manteaux à haut col de velours, les gilets-pourpoints aux couleurs éclatantes, les chapeaux de forme excentrique tranchent sur la mise correcte des classiques. A tant de signes, ils pourraient se reconnaître. Par luxe de précaution, cependant, ils se murmurent à l'oreille le mot de passe mystérieux, le mot d'ordre : « Hierro. »
Les amis de l'auteur, les familiers et les intimes ont été investis chacun du commandement d'un groupe. Leur entrain enflammera les plus hésitants et les plus tièdes. On peut se convaincre de l'ardeur avec laquelle ils accomplirent leur tâche, en lisant ces lignes écrites par l'un d'eux au lendemain même du combat (3) :
Victoire ! Victoire ! Bataille gagnée. Hernani est à nous. Il est vrai que, cette matinée-là, s'était levé un soleil d'Austerlitz : c'était un pressentiment pour la soirée. Les places laissées vacantes par les convives du banquet (4) avaient bien vite été comblées, et je me vis de suile à la tête de trente hommes des plus honorables et des plus spontanés claqueurs. L'entrée devait s'effectuer à trois heures, par une porte inusitée, affectée ce soir-là à cet usage, et j'avais donné à vingt d'entre eux rendez-vous ici à deux heures et demie, aux dix autres, galerie d'Orléans à trois heures moins le quart. Parti à l'heure dite avec les deux tiers de ma bande, je courais encore à trois heures, de long en large, dans la galerie d'Orléans, la tête en l'air, la fièvre au cerveau, à travers ce troupeau débandé, qui s'accrochait à moi, appareillant mes pelotons de cinq avec un regard de conjuré, au grand amusement des badauds qui traçaient autour de mes pas comme une banlieue ambulante. Au bout d'un bon quart d'heure, j'avais repris mes sens, je tenais en mains cette file fuyante, désormais organisée, et nous nous étripions en ordre le long des grilles de ladite porte — qui ne s'ouvrait pas. Enfin, à trois heures et demie, les deux battants donnent signe de vie, et décrivent, dans le concours de leur double effort, un hiatus d'environ deux pieds de large, qui me permet, à moi, de passer de face, et au père Goupil (5) de côté. Nous escaladons enfin l'escalier les premiers, N... et moi, un billet de quatre en mains, moins V... et M... qui restent accrochés à la batterie d'une carabine de grenadier. Autre désappointement. Il nous fallut redescendre, saisir par les cheveux les deux retardataires, et nous précipiter ensemble aux premiers bancs des secondes galeries, dont les vingt-six amis de la file restante décrivirent successivement le contour. A six heures, c'est-à-dire trois heures après, le coup d'œil était superbe, et il y avait quelque espoir de fête, dans ces attitudes bienveillantes et ces regards radieux. De temps à autre, on voyait surgir la ravissante tête de Mme Hugo, malade, avec un bandeau blanc sous le menton, qui la rendait un peu plus jolie que de coutume, s'il est possible.
A sept heures, la toile se lève, et, pendant dix minutes environ, Melle Tousé cousait, se levait, puis recousait tour à tour, au milieu d'un murmure hostile que sa voix altérée ne pouvait subjuguer. Puis cela finit, et l'on vit bien que ce bruit qui se faisait était le râle pulmonique d'une opposition expirante, qui s'anéantissait pour toujours. La répétition générale de la veille m'avait à peu près garanti le succès de la pièce : je craignais quelque peu pour le premier acte, et maintenant, une fois la toile baissée sur lui, au milieu des bravos, mon violent errement de cœur se détendit, et je me dis : « Nous avons gagné. » Le second acte, j'en étais sûr. Il ronfle comme un tuyau d'orgue. Mes vingt-neuf amis me faisaient comme les plumes à la queue d'un paon. Ils s'étalaient en roue de ma gauche à ma droite et me secondaient de toute la puissance de leurs poumons, l'ampleur de leurs battoirs et le trépignement de leurs pieds. Au troisième acte, opposition de rigueur, et un sifflet à la plus belle scène, mais englouti à cent pieds dans la mer, sous des algues de bravos conjurés. Mon front ruisselait de sueur et mes vêtements étaient trempés comme ceux d'un naufragé. A chaque bond que je faisais sur ma banquette, le corps incliné vers l'abîme du parterre, deux mains officieuses et inconnues pesaient sur mes épaules et contremandaient mon élan. Le quatrième acte n'était pas une scène de ce monde ; c'était plutôt une scène d'ombres jouée sur des tombeaux. Le monologue de Charles-Quint atterra toute la salle. Ce n'étaient plus des acclamalions, c'était un brasier de Oh ! comprimés et sourds. Ce quatrième acte est la réverbération la plus puissanle du génie de Hugo. Un tonnerre d'applaudissements l'accueillit au baissé du rideau. J'avais lâché la bride sur le cou à tous mes amis. M..., V.... M... D.... M.... L... L... les deux M.... V... G.... et surtout A... étaient comme des lions. Mme Hugo nous avait vus avant la pièce, cela nous donnait du cœur. Le siffleur qui avait brisé son sifllet sur le plus beau vers du quatrième acte lâcha sur le cinquième le mot mélodrame, qui n'eut pas plus de succès. Il n'y avait que l'entraîinemenl de la passion qui pût produire quelque chose après le grandiose concentré du quatrième acte, et de toute manière, cet effet dépassa l'attente. Le son du cor fut un navrement universel pour les quatre points de la salle : et quand dona Sol fut retombée sur le corps d'Hernani, son fiancé, que la toile fut tombée pour toujours avec eux, un seul cri d'enthousiasme effréné partit de l'enceinte, jusqu'à ce que Firmin eût amené l'auteur de ce monumental et décisif chef-d'œuvre Tout le monde se leva et personne ne sortit. Hugo ! l'auteur ! l'auteur ! bravo, Victor ! Amenez ! Amenez ! Cela dura une demi-heure, moi rugissant par-dessus tous les rugissements connus, et souhaitant du fond de l'âme qu'il ne parût point. Mais n'arriva-t-il pas autre chose ? Ne voilà-t-il pas que, d'un mouvement unanime, la salle entière pivote vers le charmant visage de femme encore pâle de la fièvre du matin et de la préoccupation du soir, et que les chapeaux et les mouchoirs s'agitent devant elle comme devant une reine. Je n'ai jamais eu si grande envie de pleurer que dans ce moment-là. et je maudissais ma place qui m'empêchait de me tourner vers elle, étant moi-même au-dessus.
Dans la rue de Richelieu on criait encore. Jamais, de notre vie de jeunes hommes, succès pareil n'avait eu lieu. Une mise en scène superbe. Le meilleur comédien est Michelot, qui ressemblait au Charles-Quint de Gros. Le plus inégal, mais le plus espagnol et le plus coloré, c'est Joanny. Firmin, rugissant, épileptique et grêle, l'antipode du vers de Hugo. Il fallait Beauvallet ou personne. Quant à Melle Mars, elle avait réuni ce soir-là, sur son ancienne tête rajeunie, le pathétique de Mme Dorval et la candeur primitive de Miss Smithson. Ce serait folie à lier que de la comparer, dans quoi que ce soit, à ce qu'elle fut là-dedans.
Je voulais voir à toute force Victor. notre cher et grand Victor. J'errais tout seul dans la salle. Enfin, j'aperçois Paul (6) à qui je saute au cou. Nous courons çà et là dans le foyer des acteurs, et nous prenons parti d'aller l'attendre chez lui, où sa femme venait d'arriver déjà. Nous étions une quinzaine, Dumas, Devéria et Cie. Au bout d'une demi-heure, il arrive. Il se trouva que je l'attrappai le premier. Je n'osais y toucher avant sa femme. Je tremblais devant lui avec l'épilepsie de Firmin. Puis je me cramponnai à lui et l'embrassai si dur que j'écrasai mon chapeau entre cet élan. (Il m'en reste encore deux autres.) Lui, comme de coutume, demandait si nous nous étions amusés, et enchanté que cela nous eût fait plaisir.
Ah ! que je chantais drôlement ce matin en me levant ! Ah ! que j'ai de drôles de mains ! Encore deux services de rigueur. Samedi, l'épiderme sera enlevé : elles saigneront. Rien de mieux.
Il me fallait citer cette page tout entière, sans la couper de froids et inutiles commentaires. On trouvera sans doute que la fièvre dont tremble encore celui qui l'a tracée, que le lyrisme dont elle déborde n'excusent point une certaine insouciance de l'équilibre des mots et de la cohérence des images. Mais, à ceux qui reviennent du combat, la figure noire de poudre et le sang bouillonnant dans les veines, peut-on demander d'aligner, pour en faire le récit, des phrases correctes et patiemment ciselées ? Tel qu'il est, avec ses heurts de métaphores, ses soubresauts de style, ce bulletin de victoire me semble peindre assez exactement l'état d'esprit de cette jeunesse dont l'enthousiasme entraînant a contribué, pour une bonne part, à assurer le triomphe de la première soirée.
L'ennemi, dont la déroute avait semblé complète, se ressaisit le lendemain et les jours suivants. Il faut bien le reconnaître, le public du 25 février était un public exceptionnellement favorable à l'œuvre nouvelle. Peu de places avaient été laissées libres, dans la salle, pour ceux qui n'étaient pas des amis de l'auteur, et nous avons vu comment le moindre sifflet était « englouti à cent pieds dans la mer, sous des algues de bravos conjurés ». Le plus fort de l'assaut passé, les rangs s'éclaircissent. Seuls, les plus fidèles et les plus intrépides continuent la lutte. Elle est chaude parfois. Qu'on en juge par ces quelques lignes, écrites le 28 février, sur les représentations du 26 et du 27 (7) :
... Des émotions de toutes sortes, toi, lui (8), Hemani, Delanoue et son journal (9), le feuilleton (10), les premiers rayons de soleil qui font sur mes fibres l'effet d'une vielle organisée. Mon Dieu, je voudrais dormir ou être mort. Je suis harassé je n'en puis plus.
Il ne s'agit pas ici d'un plaisir. Il s'agit de l'avenir d'une pièce, de l'existence d'un homme : il s'agit de nous battre comme des lions. Hier, j'avais régénéré ma bande d'amis : j'étais au parterre. Il y a eu réaction pendanl les trois premiers actes. Des murmures payés, toux affectées, ricanements de femmes ignobles, au point de renvoyer cette pauvre Mme Hugo, dans la loge de laquelle ont riait. A***' et moi, il nous a fallu soulever tout le parterre, et protester, debout sur les banquettes, contre un infâme sifflet gagé. Il est vrai que jamais deux derniers actes au monde n'ont retenti comme ceux d'hier. Un acte qui fait pleurer à chaudes larmes l'indifférent et futile J*** ! Cela est fatigant, mais il faut se dévouer et concourir à cette grande et belle œuvre. Tu recevras sans faute l'article en question ; ne le laisse pas prévenir, de grâce, par l'infâme et fourbe Gazette, qui a truqué les vers et mutilé les phrases.
Voici, datées du 8 mars, des impressions plus tristes encore (11) :
... Il est vrai que depuis la soirée du 25, et et surtout depuis ma dernière lettre, j'ai été en proie à bien des préoccupations et à bien des tracas. Les ennemis acharnés de Victor ne nous laissent pas de repos. Pendant les six premières représentations d'Hernani, je me suis fait un cas de conscience d'être sous les armes. moi et dix ou douze des amis de bonne volonté que je recrutais. La quatrième représentation a été des plus orageuses possible. C'était le moment désigné d'une ignoble et lâche réaction. Vendredi et samedi surtout, cela s'est mieux passé. Tranquillisé par cette dernière épreuve, et d'ailleurs fatigué, je profitais, lundi soir, de la venue de C*** et de la bonne volonté de N*** pour me reposer. Dans ma préoccupation, j'attends au lit. sans dormir, le résultat de la soirée : ils arrivent tous deux désolés, disant que des ricanements lardés de sifflets avaient accueilli la pièce d'un bout à l'autre. (Que tout cela ne sorte pas d'ici.) C'est une dégoûtante cabale d'auteurs, d'acteurs et de directeurs, combinée. Les recettes sont superbes, mais la pièce, d'ailleurs mutilée de plus en plus par Hugo, perd horriblement aux interruptions multipliées qui la coupent par tronçons, Croiriez-vous que des vers tels que ceux-ci :
Mais à ce qu'il paraît
Je ne chevauchais pas à travers la forêt.
J'ai du sang : tu feras très bien de le verser,
D'essuyer ton épée. et e n'y plus penser.
C'est ici que la diète s'assemhle.
Aux rouilles du fourreau ne jugez point la lame.
Me suivre où je suivrai mon père, à l'échafaud.
et cent autres de cette sorte sont accueillis tantôt par des risées, tantôt par des sifflets. Hugo ne s'en tourmente point, et. au surplus, c'est une grande gloire que d'être poursuivi avec cet acharnement-là. Mais cela nous, et surtort me fait faire de bien mauvais sang. Par exemple, ce qui me console, c'est le dévouement incroyable de tous mes amis, tant pour moi que par sentiment personnel, au succès de cette grande œuvre. C'est à qui viendra avec moi. L*** a toujours à ma disposition cinq hommes dévoués dont je me sers au besoin. Demain, nous y serons tous, et nous enlèverons la pièce. Du reste, ne t'inquiète pas, dans tout cela il n'est arrivé aucun malheur physique, et. quoi qu'en dise le boueux et fangeux Corsaire, les amis de Hugo ne sont armés ni de poignards ni de stylets...
Il était naturel que cette réaction se produisît après le triomphe, sans doute un peu préparé, du premier soir. Il était naturel aussi que ce retour offensif contre l'œuvre afïligeât ceux qui « s'étaient battus comme des lions » pour la défendre. Les révolutions littéraires diffèrent peu, dans leur marche, des révolutions politiques. Dans l'enivrement de la lutte, on ne pense qu'à tout détruire, afin de tout rebâtir à neuf. Puis, lorsque les passions se calment, lorsque, de part et d'autre, on reprend son sang-froid, les uns s'avisent que tout, dans le passé, n'était pas condamnable, les autres que toute nouveauté n'est pas dangereuse. Le temps de cet apaisement n'était point encore venu au lendemain de la représentation du 25 février 1830. Le romantisme était en pleine bataille, bientôt en pleine victoire. La plupart de ceux qui avaient assisté à l'avènement de l'école nouvelle assistèrent aussi à son déclin. Assagis, revenus de leurs intransigeances de jeunesse, ils firent, de bonne grâce, la part du cœur et celle de la raison, gardant leur prédilection aux œuvres contemporaines de leurs vingt ans, mais ne refusant plus à celles du passé l'admiration due aux chefs-d'œuvre qui demeurent toujours.
(1) Lettre à Victor Pavie, inédite.
(2) Lettre à Victor Pavie, inédite.
(3) Lettre de Victor Pavie à son père, 26 février 1828 [sic].
(4) Un banquet, dont la date était melencontreusement fixée ce jour-là, avait privé, au dernier moment, V. Pvie d'une partie de sa troupe.
(5) Praticien du sculpteur David d'Angers, recrue de la dernière heure.
(6) Paul Foucher.
(7) Lettre de Victor Pavie à son père, inédite.
(8) Son frère, alors en mer.
(9) La Tribune romantique, feuille éphémère.
(10) Le Feuilleton des Affiches d'Angers.
(11) Lettre de Victor Pavie à sa grand'mère, inédite.
Extrait de Médaillons romantiques d'André Pavie, Dzeuxième édition, Emile-Paul, 1909, pp.109-123.
On peut consulter l'original sur Archive.org.