François de Bourbon, prince dauphin d'Auvergne
duc de Montpensier à partir de 1582


François de Bourbon (1542-1592) n'est devenu duc de Montpensier qu'à la mort de son père, Louis de Bourbon, en 1582. De 1566 à 1572, pendant l'intervalle de temps dans lequel se situe la nouvelle de Mme de Lafayette, il n'est connu que sous le titre de Prince dauphin.

À cette époque, c'est surtout son père, le duc de Montpensier, qui se trouve sur le devant de la scène politique et militaire, de sorte que les chroniqueurs du temps ne développent guère les mérites du fils, époux de Renée d'Anjou-Mézières.

Dans sa Vie des Grands capitaines françois, Brantôme (1537-1614) conclut le long chapitre qu'il a consacré à Louis de Bourbon par ce paragraphe, assez frustrant pour nous : « [Il] laissa apres soy un tres brave et vaillant fils, M. de Montpensier, que du temps du pere nous appellions le prince Dauphin, duquel j'espere en parler en la vie de nos deux roys derniers, ensemble de M. de Montpensier d'aujourd'huy, qui, tout jeune qu'il est, a faict tout plain de belles preuves de ses armes et courage, ainsy qu'il parest aux belles et honnorables marques qu'il a receu d'une grande harqnebuzade au visage, sans autres grands combatz, rencontres et sieges qu'il a desjà faicts en un sy bas aage, que c'en est une chose tres estrange ; outre plus, que c'est un tres bon et gracieux prince, vraye semblance de ce bon roy sainct Louys, autant en bonté qu'en valeur, comme j'en parleray ailleurs. » Or Brantôme ne nous a pas laissé les biographies d'Henri III et Henri IV qui nous auraient permis d'en savoir un peu plus sur notre personnage...

En l'absence de monographie spécifiquement dédiée à notre personnage, la notice biographique la plus complète semble être celle qu'a rédigée Louis-Abel Bonafous, abbé de Fontenay (1737-1806), dans L'âme des Bourbons, publiée en 1783 (1).

 

BRANCHE DE MONTPENSIER.

François de Bourbon, duc de Montpensier, de Saint-Fargeau & de Châtelleraut, prince souverain de Dombes, prince de la Roche-sur-Yon, dauphin d'Auvergne, marquis de Mézières, &c. Chevalier de l'Ordre du Saint-Esprit et gouverneur de l'Orléanais, de Touraine, du Maine, du Perche, de Dauphiné & de Normandie (2).

Ce prince, fils unique de Louis, duc de Montpensier, & de Jeanne de Longwic, sa première femme, vint au monde en 1542. Pendant la vie de son père, il fut connu sous le nom de Prince Dauphin. Dès 1562, il l'accompagna au siège de Rouen, ensuite aux batailles de Jarnac & de Moncontour, & dans d'autres expéditions. La gloire qu'il y acquit lui mérita le gouvernement de l'Anjou et des provinces voisines, dont le duc, son père, se démit en sa faveur. Il continua de rendre des services si importants pendant tous les troubles qui agitèrent le règne de Charles IX, que celui-ci crut ne pouvoir mieux faire que de lui confier le commandement de ses armées, ayant seulement égard à son mérite qui devançait en lui l’âge & l’expérience d’un général. Bientôt après il l’employa à la pacification qui se fit en 1570, & il fut tellement satisfait du zèle & de l’habileté qu’il déploya dans cette circonstance, que pour le récompenser il lui donna le gouvernement de Dauphiné.

Cette province demandait un homme sage & prudent, pour y maintenir l’autorité royale, parce qu’il n’y en avait point dans le royaume qui éprouvât alors plus de troubles & de divisions. Le Prince Dauphin y commanda une armée, avec laquelle il prit quelques places. Il est vrai qu’il fut obligé de lever le siège de Livron : mais il remit presque tout le Vivarais sous l’obéissance légitime. Le Président de Thou observe comme une chose digne de remarque & bien glorieuse pour les princes de Montpensier, qu’à la mort de Charles IX, le père & le fils furent les seuls princes du sang qui, commandant des armées royales, lui en Poitou, & l’autre en Dauphiné, ne se servirent de leur autorité que pour maintenir la paix & la fidélité au souverain. Henri III, à son avènement à la couronne, pénétré des services importants que le Prince Dauphin avait rendus à l'Etat, l'en récompensa en érigeant en duché-pairie la terre de Saint-Fargeau, qui lui appartenait du chef de sa femme. Ce même monarque le chargea en 1583 d'accompagner son frère le duc d'Anjou dans son expédition des Pays Bas, persuadé que personne n'était plus propre que lui à le bien diriger dans cette entreprise. En effet, le Prince Dauphin s'y conduisit avec beaucoup de prudence & si l'on eût suivi ses conseils, le duc d'Anjou aurait conservé la conquête du Brabant, dont il avait été couronné duc : mais il indisposa contre lui tous les habitants d'Anvers, qui firent main-basse sur les Français, parmi lesquels se trouvèrent trois ou quatre cents gentilshommes. Ils ne respectèrent que le Prince Dauphin, & ceux de sa suite, auxquels ils ne firent pas même la plus légère offense, dans la persuasion où ils étaient qu'un Prince, qui se rendait recommandable par la noblesse de ses sentiments & par sa vertu, n'avait pris aucune part aux pernicieux conseils donnés au duc d'Anjou. Peu de temps après il l'accompagna dans son voyage en Angleterre, & fut déclaré chef d'une célèbre ambassade, pour régler les conditions de son mariage avec la reine Elizabeth.

Le Prince Dauphin prit le titre de duc de Montpensier, à la mort de son père, arrivée en 1584 (3). Il montra pour ses souverains, pendant les troubles de la Ligue, le même zèle & la même fidélité, dont il avait donné tant de preuves dans les guerres contre les Huguenots. Il défit plusieurs corps de Ligueurs en Touraine, en Poitou & en Normandie. Ayant obtenu en 1588 le gouvernement de cette dernière province, il ne négligea rien pour y exterminer le parti des Ligueurs qu'on appelait les Gautiers, à la tête desquels s'étaient mis quelques gentilshommes du pays. Le duc de Montpensier alla au-devant d'eux en 1589, & les chargea si vivement, que, de dix mille qu'ils étaient, trois mille restèrent morts sur la place, & douze cents furent faits prisonniers.

II fut un des premiers à reconnaître Henri IV pour légitime roi de France, & l'accompagna à la bataille d'Arques, où il contint les lansquenets & les empêcha, par une manœuvre habile, d'exécuter la trahison qu'ils méditaient. A la bataille d'Ivry, il eut le commandement d'un corps de l'armée royale ; si entraîné par son ardeur, il se précipita au milieu des ennemis, où il fut renversé de dessus son cheval : mais il eut le bonheur de pouvoir remonter sur un autre, & s'étant retiré de la mêlée, il poursuivit la victoire avec le roi, qui, témoin de son courage, en fit le plus bel éloge. Il se signala de même dans quelques autres actions, réduisit une partie de la Normandie, prit la ville d'Avranches, place très importante, & lorsque le siège de Rouen fut résolu, il ne balança point à se trouver à cette expédition contre la capitale de son gouvernement, quoique sa santé fût très altérée par des travaux continuels. Le dépérissement de ses forces ne l'empêcha pas néanmoins de déployer une activité sans égale. Il ne se ménagea pas plus que s'il eût été en pleine santé : mais l'excès de ses fatigues le conduisit bientôt au tombeau dans la ville de Lisieux, où il s'était retiré après la levée du siège de Rouen. Il mourut le 4 Juin 1592, dans la cinquantième année de son âge, & fut enterré dans la chapelle du château de Champigny en Anjou, lieu de la sépulture des princes de la branche de Montpensier (4). Le Président de Thou dit dans son Histoire, en parlant de celui dont il est ici question, qu'il fut un Prince d'un grand courage & très fidèle au roi. D'autres auteurs contemporains, dans les éloges qu'ils publièrent en son honneur, lui donnèrent le titre de Prince craignant Dieu, fidèle serviteur de son Roi , & amateur du bien de sa Patrie.

Il avait épousé en 1566 Renée d'Anjou, fille unique & héritière de Nicolas d'Anjou, marquis de Mézières, & de Gabrielle de Mareuil. Il n'en eut qu'un fils :

Henri de Bourbon, Duc de Montpensier, de Châtelleraut & de Saint-Fargeau, etc. Il naquit le 12 Mai 1573 à Mézières en Touraine, & fut connu, pendant la vie de son père, sous le nom de Prince de Dombes.


(1) Texte intégral sur Google Livres.
(2) Nous avons modernisé l'orthographe de ce texte et supprimé les majuscules inutiles dont il est abondamment pourvu.
(3) En fait le 23 septembre 1582.
(4) Toutes les sépultures ont été détruites à la Révolution, sauf celle d'Henri de Bourbon.