L’œuvre de Rabelais peut être considérée comme un modèle littéraire. Cependant il faut distinguer ici son influence intellectuelle et littéraire de l’imagerie populaire.

Carnaval de Bailleul - Le géant Gargantua IV sur son char
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En effet la figure du géant Gargantua est celle qui perdure, de nos jours et de manière évidente, dans l’imaginaire populaire ; cette influence se remarque dans certaines expressions comme « un festin gargantuesque » ou « des repas pantagruéliques », dans l’adjectif « rabelaisien », notamment. Les récits de Rabelais ont popularisé la figure du géant débonnaire, correspondant parfaitement au goût français pour la bonne chère et le vin ; c’est le parc d’attractions «Mirapolis», les restaurants au nom de «Gargantua», les festivités de Carnaval… C’est ce que Guy Demerson désigne comme «le mythe de la jouissance béate et anarchique» (1).

Mais, de manière plus profonde, Rabelais a été imité par nos plus grands auteurs – par ceux qui l’ont compris – en tant que propagateur de la pensée humaniste, proposant une réflexion sur l’éducation, la bonne gouvernance, etc. C’est le Rabelais pédagogue, celui de l’« abîme de science. » Parmi les grands écrivains français qui utilisèrent comme Rabelais, le premier d’entre eux, la forme du récit allégorique, nous pouvons signaler plus particulièrement Cyrano de Bergerac et ses Histoires comiques, le Fénelon des Aventures de Télémaque, le Voltaire des contes, mais aussi les auteurs des Aventures du baron de Münchhausen. Si ces auteurs ont retenu la leçon rabelaisienne, ils n’en revendiquent pas pour autant la gaudriole. Et c’est plus une influence « dans l’esprit » qu’une véritable imitation du modèle.

Par ailleurs certains penseurs de l’occultisme, tels Louis-Claude de Saint-Martin et Eliphas Levi, ont reconnu en Rabelais l’un de leurs maîtres, « la personne sacrée du joyeux curé de Meudon, l’un de [leurs] plus grands maîtres dans la science cachée des mages» (2). C’est le Rabelais ésotérique qu’ils invoquent, celui du « plus haut sens» (3).

Enfin l’œuvre rabelaisienne a été suivie par des auteurs (pas seulement français) qui en ont compris la modernité. Rabelais est un auteur exigeant, qui remet perpétuellement en question la notion de genre littéraire, qui est à l’origine de ce que d’aucuns appellent « roman moderne » : à sa suite ont œuvré Sterne, Diderot, Umberto Eco…)

Ce catalogue non exhaustif permet de mettre en relief l’importance de Rabelais et de son œuvre plurielle, quel que soit le domaine qui y est associé, l’hédonisme, la pédagogie, l’ésotérisme, la modernité esthétique.

© Emmanuel Daubert


1/ Littérature

  1. Traductions, adaptations

  2. Réécritures et œuvres inspirées par Rabelais

    • François HABERT, Le Songe de Pantagruel, poème inspiré par le Pantagruel de Rabelais, mais qui a sans doute influencé celui-ci dans Le Tiers Livre, 1542 (4).
    • Nicolas HORRY, Rabelais ressuscité, récitant les faicts et comportements admirables du très-valeureux Grandgosier roy de place-vuide, Rouen, 1611
    • Laurence STERNE, Vie et opinions de Tristram Shandy, gentilhomme, traduction de C. Mauron, G-F, 1982 (première publication en 1759-1767)
    • Louis-Claude de SAINT-MARTIN, Le Crocodile, ou la guerre du bien et du mal arrivée sous le règne de Louis XV. Poème épico-magique en 102 chants, Triades-Editions, 1979 (première publication en 1799)
    • Honoré de BALZAC, Contes drolatiques, Préface et notes de Rolland Chollet, tomes 25 et 26 de l’édition complète de La Comédie humaine, Cercle du Bibliophile, Rencontres, 1967 (première publication en 1832-1837)
    • Eliphas LEVI, Le Sorcier de Meudon, récit mettant en scène Rabelais et ses personnages, composé de trois parties « Les Ensorcelés de la Basmette », « Les Diables de la Devinière » et « le Ménétrier de Meudon », 1847 (publications séparées), 1861 (publication des trois parties regroupées)
    • Léon DAUDET, Les Dicts et pronostiquations d’Alcofribas Deuxième pour le bel an 1923, Paris, Valoys, 1922 (pastiche dont l’objectif est pamphlétaire)
    • René DAUMAL, La Grande Beuverie, coll. « L’Imaginaire », Gallimard, 1966 (première publication en 1938)

2/ Théâtre

Nombreuses adaptations théâtrales, dont les principales sont citées ici :

  • Jean-Louis BARRAULT, Rabelais, « jeu dramatique » en deux parties tiré des cinq livres de François Rabelais, Paris, Gallimard, coll. « Le Manteau d’Arlequin », 1969 (parties musicales de Michel Polnareff)
  • Pantagruel, texte d'Alain Enjary, mise en scène de Mehmet Ulusoy, musique de Christian Maire, 1981
  • Antonine MAILLET, Les Drolatiques, Horrifiques Et Epouvantables Aventures de Panurge, ami de Pantagruel Leméac Éditeur, 1983

3/ Musique et spectacles musicaux

4/ Œuvres plastiques

Fabian Cerredo, Gargamelle mangeant des tripes le soir, technique mixte sur toile
2002, 195 x 130 cm.

Fabian Cerredo, Gargantua pissant...,
technique mixte sur toile
2002, 300 x 200 cm.

5/ Œuvres cinématographiques

6/ Autres


© Emmanuel Daubert


(1) Guy Demerson, « Rabelais est-il actuel ? », Notes pour une conférence prononcée en 1998, en ligne sur http://www.ecole-alsacienne.org/CDI/pdf/1301/130211_DEM.pdf ; lire cet article me semble tout à fait éclairant pour qui veut étudier l’œuvre de Rabelais comme modèle.

(2) Eliphas Levi, Le Sorcier de Meudon, Préface, 1861.

(3) Lire l’article de Léo Mérigot, « Rabelais et l’alchimie », publié dans Les Cahiers d’Hermès, n° 2, 1947 et disponible en ligne sur http://litteratura.free.fr/spip/article.php?id_article=14 .

(4) Voir l’article de Claire Bottineau-Sicard, « (15)42, année fantastique. Imaginaire et politique dans Les Visions d’Oger le Dannoys au royaulme de Fairie, Le Livre des visions fantastiques et Le Songe de Pantagruel de François Habert », Camenae n°8 – décembre 2010, en ligne sur http://www.paris-sorbonne.fr/IMG/pdf/12-_Bottineau-Siccard.pdf

(5) Saint-Amant a écrit une pièce poétique intitulée Naissance de Pantagruel, pour une mascarade ; est-ce pour celle-ci ?