1. Indécidabilité : une mise en doute généralisé

 

La principale caractéristique des lieux, chez Queneau comme chez Malle, est qu'ils contreviennent en permanence aux habitudes du lecteur et du spectateur, qui s'attendent au confort de repères spatio-temporels sûrs, garants d'une parfaite illusion de réalité. Or ici rien de tel, ce qui surprend d'autant plus que Paris est une ville qu'en général on croit connaître et dans laquelle on pense pouvoir se repérer, fût-ce dans une fiction. Cette mise en doute est accentuée par les nombreux trajets qui relient des lieux en principe emblématiques, mais ici brouillés par des procédés techniques propres au langage de l'écrit et de l'image respectivement, ce qui produit un effet baroque d'espace méconnaissable, de labyrinthe dans lequel on progresse un peu au hasard, sans être sûr d'en voir jamais le bout.

 

  1. De l'arrivée de Zazie à la gare à l'arrivée chez Gabriel

    1. La gare de l'Est, une réalité parisienne, mais...

      Dès le début du roman comme du film, surgissent des éléments d’incongruité qui vont s’amplifier au cours du premier chapitre et de la première séquence.

      Le générique et les premières images du film créent immédiatement le doute. Dans le générique en effet, un train roule à vive allure. Le point de vue est celui du conducteur, à l’avant : on ne voit que les rails et les caténaires, la ligne est donc électrifiée (il s'agit de la ligne Montparnasse, identifiée comme à son habitude par l'obstiné Lionel Labosse). Or avant même que ne commence la musique, la bande-son fait entendre un sifflement strident de train à vapeur : première incongruité.

      Le titre Zazie dans le métro laisse supposer que Zazie arrive à Paris… Et effectivement, dans les images suivantes nous voilà dans le hall d’attente de la gare de l’Est : « On peut pas supposer que les gens qu'attendent à la gare de l’Est sentent plus mauvais que ceux qu'attendent à la gare de Lyon » se dit ce grand personnage qui s’avèrera être Gabriel, l’oncle de Zazie. La logique du montage nous laisse donc supposer qu’il attend le train du générique... Mais en 1960, le réseau Est n’est pas encore électrifié : le train initial ne peut pas être celui qui arrive en gare, et qui est effectivement tracté par une locomotive à vapeur. Les premières facilités de lecture sont ainsi mises à mal.

      Ainsi, le générique avait-il une autre fonction : il servait de métonymie du cinéma, avec son insistance sur la fonction des rails, à l'origine de la technique cinématographique bien connue du travelling. Et le cadrage de Louis Malle achève de confirmer cette première mise en garde : « Ne vous laissez pas piéger par ce que vous voyez ! », car un train peut en cacher un autre, et en l'occurrence, celui qui arrive en gare de l'Est rappelle étrangement le premier train de l'histoire du cinéma, celui que filmèrent les frères Lumière en 1895 alors qu'il entrait en gare de La Ciotat.

      La suite de la scène nous situe bien, au contraire, dans une réalité parisienne, comme on en jugera en comparant les plans de Louis Malle avec ceux qu'a photographiés Lionel Labosse en 2013.

       

    2. Un trajet en taxi plus que problématique : deux langages pour dire l'instabilité du monde

      La gare de l'Est en 1960 - © lartnouveau.com


      Si Queneau avait choisi la gare d’Austerlitz (1) comme point de départ du roman (mais pas nécessairement pour l’arrivée de l’arrivée de Zazie, rien ne permettant d’affirmer que ce que se dit Gabriel corresponde au lieu où il se trouve), le film situe au contraire nettement les premières images dans le Xe arrondissement de Paris. Il commence donc bien dans une réalité parisienne, qui n’a d’ailleurs pas tellement changé de nos jours. Mais les choses se gâtent très vite… dès que démarre le tac de Charles.

       

      1. Le trajet du tac de Charles dans le roman

        Il démarre.
        On roule un peu, puis Gabriel montre le paysage d'un geste magnifique.
        — Ah ! Paris, qu'il profère d'un ton encourageant, quelle belle ville. Regarde-moi ça si c'est beau.
        — Je m'en fous, dit Zazie, moi ce que j'aurais voulu c'est aller dans le métro […]
        — Et ça ! mugit-il, regarde !!! le Panthéon !!
        — Qu’est-ce qu’il faut pas entendre, dit Charles sans se retourner.
        Il conduisait lentement pour que la petite puisse voir les curiosités et s’instruise par-dessus le marché.
        — C’est peut-être pas le Panthéon ? demande Gabriel. Il y a quelque chose de narquois dans sa question.
        — Non, dit Charles avec force. Non, non et non, c’est pas le Panthéon. […]
        — J’ai trouvé, hurle celui-ci. Le truc qu’on vient de voir, c’était pas le Panthéon bien sûr, c’était la gare de Lyon.
        — Peut-être, dit Gabriel avec désinvolture, mais maintenant c’est du passé, n’en parlons plus, tandis que ça, petite, regarde-moi ça si c’est chouette comme architecture, c’est les Invalides
        — T’es tombé sur la tête, dit Charles, ça n’a rien à voir avec les Invalides.
        — Eh bien, dit Gabriel, si c’est pas les Invalides, apprends-nous cexé.
        — Je sais pas trop, dit Charles, mais c’est tout au plus la caserne de Reuilly. […]
        — La vérité ! s'écrie Gabriel (geste), comme si tu savais cexé. Comme si quelqu'un au monde savait cexé. Tout ça (geste), tout ça c'est du bidon : le Panthéon, les Invalides, la caserne de Reuilly, le tabac du coin, tout. Oui, du bidon.

        Face à cette dissension entre Charles et Gabriel, il est impossible au lecteur de déterminer qui peut avoir raison, puisque Queneau ne lui fait l'aumône d'aucune description, et que seul un « ça » dirige le regard des personnages… L’incohérence de tous ces toponymes se renforce d'ailleurs par le fait que les monuments qu'ils désignent ne sont pas du tout situés dans le même quartier, et qu’on ne peut évidemment pas les confondre en réalité, comme on en jugera en consultant cette carte.

        Mais justement la réalité est sujette à caution… Tout lieu est incertain. De toute façon, « je m'en fous » dit Zazie ; et pour Gabriel, « tout ça (geste), tout ça c'est du bidon ».

        Michel Bigot interprète ainsi cette évanescence de l'espace : « Dans le doute, tout semble s'anéantir. Dans cette représentation d'une ville — où le réel paraît avoir peu de prise – nous sommes au centre de la fictivité de la fiction, au sein d'une génération de toponymes qui voisinent, s'enchaînent et s'annulent dans le même mouvement d'une parole travaillée par le doute. L'activité fabulatrice ne peut sortir indemne de ce tourbillonnement des signifiants. Touchée elle-même dans ce qui la fonde — la croyance à la fidélité du langage au réel —, la fiction ne semble plus avoir aucune assise. » (2)

        Bien sûr, on ne peut manquer de penser aux aventures du baron d’Ormesan dans L’Hérésiarque et Cie de Guillaume Apollinaire qui, amphion faux-messie, fait visiter Paris de façon - disons - originale :

         

        L’amphion faux-messie
        ou Histoires et aventures du baron d’Ormesan

        1. Le guide

        […] Pour conserver les morceaux composés par l'amphion, et pour que l'on puisse les exécuter de nouveau, il les note sur un plan de la ville, par un trait indiquant très exactement le chemin à suivre. Ces morceaux, ces poèmes, ces symphonies amphioniques se nomment des antiopées, à cause d'Antiope, la mère d'Amphion.

        Pour ma part, c'est à Paris que je pratique l'amphionie.

        Voici une antiopée que j'ai composée ce matin même. Je l'ai intitulée : « Pro Patria ». Elle est destinée, comme son titre l'indique, à inspirer l'enthousiasme, les sentiments patriotiques.

        On part de la place Saint-Augustin où se trouvent une caserne et la statue de Jeanne d'Arc. On suit ensuite la rue de la Pépinière, la rue Saint-Lazare, la rue de Châteaudun jusqu'à la rue Laffitte, où l'on salue la maison Rothschild. On revient par les grands boulevards jusqu'à la Madeleine. Les grands sentiments s'exaltent à la vue de la Chambre des députés. Le ministère de la Marine, devant lequel on passe, donne une haute idée de la défense nationale, et l'on monte l'avenue des Champs-Élysées. L'émotion est extrême à voir se dresser la masse de l'Arc de Triomphe. À l'aspect du dôme des Invalides, les yeux se mouillent de larmes. On tourne vite dans l'avenue Marigny, pour conserver cet enthousiasme, qui arrive à son comble devant le palais de l'Élysée.

        Je ne vous cache point que cette antiopée serait plus lyrique, aurait plus de grandeur si on pouvait la terminer devant le palais d'un roi. Mais, que voulez-vous ? Il faut prendre les choses et les villes comme elles sont […]

        À ce moment, une troupe d'étrangers sortit de l'hôtel ; le baron se précipita et leur parla dans leur langage. Il m'appela ensuite :

        — Vous le voyez, je suis polyglotte. Mais, venez avez nous. Je vais exécuter à ces touristes une antiopée résumée, quelque chose comme un sonnet amphionique. C'est un des morceaux qui me rapportent le plus. Il est intitulé : Lutèce, et, grâce à certaines licences non poétiques mais amphioniques, il me permet de montrer tout Paris en une demi-heure.

        Nous montâmes, les touristes, le baron et moi, sur l'impériale de l'omnibus Madeleine-Bastille. En passant devant l'Opéra, le baron d'Ormesan l'annonça à haute voix. Il ajouta, en indiquant la succursale du Comptoir d'Escompte :

        — Palais du Luxembourg, le Sénat.

        Devant le Napolitain, il dit emphatiquement :

        — L'Académie française.

        Devant le Crédit Lyonnais, il annonça l'Élysée, et, continuant de cette façon, il avait montré, lorsque nous arrivâmes à la Bastille : nos principaux musées, Notre-Dame, le Panthéon, la Madeleine, les grands magasins, les ministères et les demeures de nos hommes illustres morts et vivants ; enfin, tout ce qu'un étranger doit voir à Paris. Nous descendîmes de l'omnibus. Les touristes payèrent largement le baron d'Ormesan. J'étais émerveillé et je le lui dis. Il me remercia modestement et nous nous quittâmes.

        Guillaume Apollinaire - L’Hérésiarque et Cie (1910)

         

      2. Le trajet du tac de Charles dans le film

        Ce que le texte rend indécidable, introduisant ainsi le soupçon sur la réalité, le film va devoir le rendre par d’autres moyens, puisque l’image impose une pseudo-réalité, la caméra n’étant pas un stylo (3) : le spectateur voit un monument identifiable, il sait cexé ! Et s'il est parisien, il reconnaît l’église Saint-Vincent-de-Paul, place Franz Liszt dans le Xe arrondissement. Le taxi n’a d'ailleurs pas beaucoup avancé : après un étonnant crochet par la rue Saint-Lazare, le voilà revenu bien plus près de son point de départ : on pourra en juger sur cette carte !

        Mais comment limiter le jeu à une simple erreur de localisation ? Nos personnages vont se retrouver devant cette même église à quatre reprises, chaque fois dans un sens de circulation différent, et avec une appellation différente…

        Gabriel : Ah ! Paris, quelle belle ville ! Tiens, Zazie, regarde… le Panthéon
        Charles : Qu’est-ce qu’il faut pas entendre !
        Gabriel : C’est peut-être pas le Panthéon ?
        Charles : Non, non et non, c’est pas le Panthéon
        Gabriel : Et qu'est-ce que ça serait alors d'après toi ?
        Charles : J'en sais rien. Mais c'est pas le Panthéon.

        Charles : Ah mais, le truc qu'on vient de voir, c'était pas le Panthéon bien sûr, c'était la Madeleine.
        Gabriel : Peut-être, mais maintenant c'est du passé, n'en parlons plus, tandis que ça, petite, regarde-moi ça si c'est chouette comme architecture, c'est les Invalides...
        Charles : Oh ! t'es tombé sur la tête, c'est tout au plus la caserne Reuilly.

        Zazie : Dis donc, tonton, quand vous déconnez comme ça, vous l’faites esprès ou c'est sans le vouloir ?
        Gabriel : C'est pour mieux te faire rire, mon enfant.
        Charles : La vérité, c'est que tonton il le fait exeuprès et tantôt pas.
        Zazie : Si c’est pour vous moquer de moi, j’peux vous dire que vous n'êtes que deux vieux cons !

        [Et quelques embouteillages plus tard]

        Gabriel : La vérité ! comme si tu savais cexé. Comme si quelqu'un au monde savait cexé. Tout ça, tout ça c'est du bidon : le Panthéon, les Invalides, la caserne Reuilly, la Madeleine, tout. Oui, du bidon.
        Zazie : Et ça, qu’est-ce que c’est ?
        Gabriel : Ça ? on sait pas !

        Carte réalisée à partir de Googlemaps - © Agnès Vinas


        Pendant ces deux minutes de film, images et paroles sont donc en contradiction. Où est la vérité ? L’image censée montrer la réalité n’est pas vérité, pas plus que les mots. Et le dernier plan en est l’apothéose : Gabriel dissertant sur la vérité et ce qui est bidon découvre ce même monument et conclut, sur la question narquoise de Zazie : « On sait pas ».

        Il faut donc dépasser le stade du gag visuel pour entrer dans cette mise en doute, et entendre la mise en garde tant du romancier que du cinéaste.

        Par ailleurs, cette église, avec son square et ses rampes d’escalier, va devenir en quelque sorte un leitmotiv, un lieu de tournage récurrent tournant à l’obsession, puisqu'elle va aussi passer pour la Sainte-Chapelle, puis servira de cadre à un grand nombre des épisodes de la deuxième partie du film.

     

  2. Quel est le plus court chemin de la gare d'Orsay à la Sainte-Chapelle ?

    Le récit, dans le roman comme dans le film, présente souvent plusieurs éléments qui permettent de situer avec précision telle ou telle action. Le lecteur/spectateur se lance alors dans une sorte de jeu de piste mental qui, au détour de pages ou de plans, se trouve brutalement compromis. Ce faux effet de réel est une constante dans les deux œuvres.

    La poursuite de Gabriel guidenappé est à ce titre tout à fait caractéristique. Dans le roman, l’épisode est assez bref : Gabriel et Zazie descendent du car dans lequel ils ont embarqué à la tour Eiffel, peu de temps après avoir dépassé la gare d’Orsay… du moins si l’on en croit le guide. Voici une deuxième gare :

    — Ouvrez grand vos hublots, tas de caves, dit Fédor Balanovitch. À droite vous allez voir la gare d'Orsay. C'est pas rien comme architecture et ça peut vous consoler de la Sainte-Chapelle si on arrive trop tard.

    Un encombrement appréciable s'étant offert, Gabriel, suivi de Zazie, descendit tranquillement tout en faisant aux voyageurs déconcertés de petits signes de connivence, hypocrite manœuvre en vue de les duper.

    Où sont-ils précisément lorsque le car finit par retrouver Gabriel pour l’enlever « aux cris de Montjoie Sainte-Chapelle ! » ? Evidemment le texte n’en dit rien, mais l’oncle et la nièce n’ont pas eu le temps de beaucoup avancer, d’autant qu’ils ont fait une pause sur un banc. Quel chemin vont prendre Zazie, la veuve Mouaque rencontrée depuis peu et le « sergent de ville » qu’elles ont interpellé ? Les réponses données dans le texte sont quelque peu fantaisistes :

    — Courons sus aux guidenappeurs, qu'elle dit, et à la Sainte-Chapelle nous le délivrerons.
    — Ça fait une trotte, remarqua le sergent de ville bourgeoisement. Je suis pas champion de cross, moi.

    Or le trajet entre la gare d’Orsay et la Sainte-Chapelle ne représente guère plus d'1.5 km… Quant aux indications que ce même sergent de ville donne à un automobiliste, elles sont de la même veine, puisqu’il suffit dans la réalité de longer le quai et de passer un pont !

    Carte réalisée à partir de Googlemaps - © Agnès Vinas

    — Pardon, meussieu l'agent, vous ne pourriez pas m'indiquer le chemin le plus court pour me rendre à la Sainte-Chapelle, ce joyau de l'art gothique ?

    — Eh bien, répondit automatiquement Trouscaillon, voilà. Faut d'abord prendre à gauche, et puis ensuite à droite, et puis lorsque vous serez arrivé sur une place aux dimensions réduites, vous vous engagez dans la troisième rue à droite, ensuite dans la deuxième à gauche, encore un peu à droite, trois fois sur la gauche, et enfin droit devant vous pendant cinquante-cinq mètres. Naturellement, dans tout ça, y aura des sens interdits, ce qui vous simplifiera pas le boulot.

    Assurément Queneau ne cherche pas à rédiger un guide touristique de Paris, et les données topographiques ne sont pas essentielles pour lui. Pourtant l’imprécision n’est pas permanente, et nous verrons qu’il peut aussi jouer le jeu du romancier réaliste.

     

  3. A la poursuite de Gabriel, l'archiguide guidenappé

    Cette même poursuite donne à Louis Malle l’occasion de pulvériser le réel après l’avoir construit, mais d’une tout autre manière. Gabriel et Zazie rentrent à pied de la tour Eiffel en longeant les berges de la Seine. L’enlèvement de Gabriel est filmé du point de vue de Trouscaillon, posté sur le pont routier de Bir-Hakeim et regardant le trio en contrebas. L'effet de réel est total, même si le spectateur ne prend pas le temps de se demander comment le bus Cityrama peut bien se trouver sur une berge sans automobiles, nettement en contrebas des voies de circulation, à en juger par la hauteur des escaliers d'accès...

     

    Plan 490

    Plan 491

    La poursuite va alors s'effectuer à une allure effrénée, suivant le rythme d'une musique parodique de western, avec alternance de plans d'ensemble suivant la progression du car de touristes à impériale (ou de plans rapprochés de Gabriel à bord) et de plans divers de la Simca bleu lavande de la veuve Mouaque souvent dominée par la silhouette martiale de Trouscaillon en uniforme de gardien de la paix noir et blanc et le pull rouge de Zazie.

    Les premiers plans de cette Simca avançant toute seule dans un embouteillage monstrueux ont été tournés à Orly. Philippe Colin, assistant à la mise en scène raconte dans le bonus du DVD : « Certains embouteillages, on les a faits à Orly près d’un terrain d’atterrissage où on a fait venir cent voitures, on a mis trois colonnes Morris, trois bancs ; ça permettait certains effets de la voiture qui part tout seule. » Philippe Colin parle aussi de la volonté de Louis Malle de plaquer des lieux différents les uns à côté des autres, sans raccords, pour créer un effet de décor.

    Ainsi, par un montage alternant plans tournés dans des décors réels parisiens (plus ou moins facilement identifiables) et plans fabriqués chaque fois qu'il fallait créer des effets surréels de voiture avançant toute seule ou juchée sur le toit d'une autre, Malle crée un kaléidoscope vertigineux, qui n'obéit à aucune logique géographique et dans lequel la répétition des mêmes lieux achève de brouiller la réalité. Nous avons donc renoncé à reconstituer ces deux parcours erratiques sur une carte ! Nous nous contenterons de donner une idée de la virtuosité du montage dans un tableau mettant en regard la progression du car (à gauche) et de la voiture (à droite), sans numéroter les plans, mais en identifiant le lieu de tournage chaque fois que possible.

     

    Même plan : bus et voiture se suivent, mais la voiture est à l'envers du sens de la circulation

    Le martial Trouscaillon dégage le passage

    Porte Saint-Denis (assez loin de la Seine...)

    Place de la Concorde

    Place Vendôme

    A nouveau place de la Concorde !

    Encore un petit effort et on sera dans le bon sens

    Pont de l'Alma : le bus passe rive gauche...

    Pont de l'Alma : le bus passe rive droite...

    Ça bouchonne encore un peu

    Trocadéro, en "avion", devant le bâtiment de l'ONU

    On progresse : la vue se dégage...

    Où diable sont-ils repartis ?

    A nouveau le bâtiment de l'ONU au Trocadéro

    On tourne dans l'avenue Frémiet

    Même plan, loin du fracas de la ville : le bus s'engage, suivi de la Simca, qui s'allège un peu...

    Même plan, de retour en ville : les parcours recommencent à diverger...

    Même plan - Bus sur le quai d'Orsay, mais la Simca en contrebas, vers le pont Alexandre III

    Place de l'Etoile (si ! si !)

    Bois de Boulogne ?

    Fin du périple : église Saint-Vincent-de-Paul

    Encore une petite balade sous de vertes frondaisons

    Et arrivée en douceur à destination...


 

© Marie-Françoise Leudet et Agnès Vinas


(1) Louis Malle avait d’abord prévu de tourner à la gare de Lyon, comme l’indique le script original que reproduit l’Avant-Scène n° 104. Plusieurs lieux prévus à l’origine ont été modifiés ce qui explique les nombreuses différences avec ce numéro de l’Avant-Scène.

(2) Michel Bigot, Zazie dans le métro de Raymond Queneau, Gallimard, collection Foliothèque, 1994, p.100

(3) Titre de la communication de Françoise Chenet, in Pleurire avec Queneau, Temps mêlés - Documents Queneau, n° 150 + 65-68 et dernier, printemps 1996